Assise sur son lit, entourée de ses bagages loin d’être terminés, Lily appréhendait.

Des centaines de questions affluaient dans son esprit quant à ses quelques semaines qu’elle allait passer aux côtés de Jacob. Bien sûr, cette perspective la réjouissait au plus haut point, elle allait quitter le domicile familial et commencer un semblant de vie de couple que les deux jeunes gens n’avaient pu obtenir depuis le début de leur relation. C’était exactement à ce sujet là que Lily pensait. Même si elle était persuadée que tout se passerait au mieux, les élans distants de Jacob ces derniers temps ne l’avaient pas aidé à communiquer correctement avec lui, elle se demandait alors si lui-même se réjouissait à l’idée de passer tout ce temps avec elle. Changerait-il de comportement ? Serait-il un peu plus avenant ? L’affection ne manquait pas entre les amoureux bien que la pudeur prenait le dessus lorsqu’ils étaient entourés, mais même lorsqu’ils avaient pu se retrouver seuls, le jeune homme s’était trouvé entre deux mesures. D’autant plus que, même si Lily pouvait le comprendre, leur discussion sur ses cinq ans de silence n’avançait pas lorsqu’ils en abordaient le sujet.

Toutefois, un sourire vint illuminer le visage de la jeune femme quand elle pensa au regard attendri que Jacob ne cessait de poser sur elle. Même lorsqu’il paraissait absent, il tournait un visage plein de tendresse quand elle l’appelait. Se laissant tomber sur les couvertures de son lit, Lily rêvait. Imaginait ce séjour qu’elle avait attendu depuis des semaines. Parfois même, elle avait du mal à croire à tous ces sentiments de bonheur qui l’entouraient, des choses qui n’auraient pas paru probable cinq ans plus tôt se déroulaient à présent. Ils passaient le plus clair de leur temps dans le jardin de la famille depuis que le beau temps était arrivé, dans un coin reculé sous les rayons du soleil ou sur les hamacs avec un verre dans un coin d’ombre. Le souvenir d’une après-midi revint à la mémoire de Lily.

Flashback.

Les cheveux flamboyants de la jeune femme virevoltèrent sous la brise d’été qui s’installait tandis qu’elle ramenait de quoi boire, partageant un calme moment avec l’homme qui faisait à présent partie de sa vie.

« Tiens, dit-elle en lui tendant un verre de citronnade. Victoire nous en a encore ramené une caisse pleine de bouteilles. »

Refusant le confort du hamac, Jacob ne put voir le sourire malicieux qui se profilait sur le visage de sa compagne. Profitant qu’il se soit redressé, Lily vint démontrer quelques preuves d’affection, glissant une main par dessus l’épaule du jeune homme, appuyée contre son dos.

« Tu n’as pas trop chaud, ça va ? »
« Non, ce n’est pas encore les grosses chaleurs alors ça va, pourquoi, un programme ? »
« J’ai pensé que tu aimerais te rafraîchir un peu. »

Un filet d’eau trempa les cheveux de Jacob jusqu’à ses épaules et quelques parcelles de son t-shirt, Lily riant aux éclats de sa blague aussi débile que subtile avant de laisser tomber la bouteille et de filer rapidement dans les autres coins du jardin où Jacob s’amusa à la poursuivre. Un moment enfantin, certes, mais qui ne faisait que renforcer leur complicité.

Flashback.

Un souffle de motivation s’abattit sur elle pour clore sa valise et fermer son petit sac à main, entendant plus bas l’arrivée de Jacob dans le salon des Potter.

***

Un baiser furtif comme à leur habitude et Lily embrassa ses parents avant de faire un signe à ses frères, rejoignant la main que Jacob lui tendait. Ils partaient, enfin, ils se retrouvaient. Faisant face au sentiment d’étranglement et d’étouffement que provoquait le transplanage, ils atterrirent au beau milieu d’un jardin, face à une maison que Lily avait caché connaître plus qu’en photographie. En réalité, c’était un lieu qu’elle affectionnait particulièrement lorsqu’elle souhaitait s’isoler de la vue et des paroles de tous. Il lui semblait que seul Lorcan savait pouvoir la trouver là à ses heures perdues bien qu’il n’ait pas insisté à procéder à sa recherche jusque là.

Sous les soins de Jacob, les affaires partirent se ranger à la place qu’elles occuperaient pour les semaines à venir. Ayant repéré la piscine en guise de coin d’eau, les vêtements tombèrent vite pour y faire trempette, Lily s’asseyant au bord, remuant ses jambes dans un mouvement aléatoire. C’était leur premier instant véritablement seuls. Et la jeune fille en dégustait chaque minute.

« Lorcan est complètement fou… Avec quel argent a-t-il pu acquérir une telle baraque ? »

Une remarque qui fit bien rire la rouquine, doutant du potentiel d’argent que Lorcan avait pu verser pour acquérir cette maison. Mais, peut-être qu’il avait réellement fait les choses dans les règles de l’art, qui sait ? Lily ne répondit pas, elle savait que sa relation avec cet homme était encore difficile à accepter pour Jacob qui ne lui faisait pas totalement confiance. Du moins à ce qu’elle avait compris.

Elle décela une force dans les poings de son compagnon qu’elle décida de ne pas relever. Parfois, il pouvait être excessif et elle ne savait pas encore très bien comment gérer cet aspect de sa personnalité. Elle parvenait à l’apaiser dans ses moments de colère mais elle n’avait pas encore fait face à sa jalousie. Elle n’avait fait face à la jalousie de personne, d’ailleurs, tout le monde le savait à présent qu’ils s’affichaient ensemble, que Lily s’était réservée à cet unique homme. Sûrement l’aurait-elle fait jusqu’à en mourir.

Elle accueillit cet homme qu’elle aimait tant entre ses bras lorsqu’il se rapprocha d’elle, provoquant un sentiment de soulagement dans l’esprit de la jeune fille qui observait déjà un changement de comportement, il paraissait plus apaisé, plus serein. Moins tourmenté par ses activités de commerçant peu communes. Ça non plus, ils n’en parlaient jamais, du moins, que très peu, juste ce qu’il fallait pour ne rien cacher à Lily. Une remarque silencieuse qui lui donna l’impression de ne pas réellement le connaître. Elle chassa cette idée de son esprit et lui accorda un sourire.

« Oui, quand je ne savais plus trop où aller et que je n’avais pas envie de voir grand monde, je venais ici. Mais je n’y suis pas revenue depuis ton retour, j’y reviens avec toi. »

Sa chevelure qui tombait en cascade se fit piéger sous la douceur de la caresse de Jacob. Elle le retrouvait, véritablement, elle pensait même le découvrir totalement durant ce séjour et elle n’en faisait que déborder d’amour.

« Alors, tu sais si à part la bronzette, il y a des choses à faire dans le coin, d’incontournables ? »
« Je ne connais pas vraiment l’endroit mais il doit y avoir quelques coins sympas, on devrait aller visiter demain, mais je voudrais que tu te reposes aujourd’hui, tu es fatigué. »

Elle appuya sa remarque d’une main sur son visage, soulignant les cernes qu’arboraient Jake depuis quelques semaines. Comme s’il devait clore absolument des affaires avant leur départ, elle savait parfaitement qu’il ne rentrait parfois pas de la nuit, enchaînant vente sur vente, rendez-vous sur rendez-vous. Ils étaient là pour se reposer et passer des moments calmes, il était essentiel pour Jacob de retrouver une certaine forme et il serait amplement suffisant pour aujourd’hui de rester à barboter dans la piscine et elle comptait bien l’en convaincre.

« Bienvenue Madame, Monsieur. »

L’elfe de maison apparut à quelques mètres d’eux, surprenant Lily dans son dos. Ils avaient eu le temps de se rencontrer mais elle l’avait laissé libre de ses mouvements bien qu’il ait refusé d’être libre tout court, appréciant apparemment la famille Potter. Elle se demandait bien où Lorcan avait pu le dégoter. Apportant des collations, il les déposa non loin du couple après avoir eu l’accord de la jeune femme et disparu à nouveau. Se retournant vers Jacob, une grimace arborait le visage de la rouquine qui n’aimait pas trop ce genre de service, consciente que par l’acquisition de cette maison, elle en devenait, par conséquent, sa maîtresse.

« L’elfe n’était tout de même pas nécessaire, il va falloir que je m’y habitue. »

Tendant un verre à Jacob, elle le gratifia d’un chaste baiser, ses prunelles brillant de bonheur.

« Je suis contente d’être avec toi. »

Et le liquide sucré dont elle ne connaissait pas le nom vint la rafraîchir, fermant ensuite les yeux quelques secondes pour lever le visage vers le soleil.

Spoiler:

« Moi aussi. On dirait… un rêve trop parfait. Quand je pense à ces dernières années… à Poudlard… Je ne sais pas qui aurait misé un kopeck ne serait-ce que sur une éventuelle amitié entre nous deux. Et là, nous voilà là, tous les deux. Je ne pouvais même pas imaginer après cinq ans que tu puisses être seule et pourtant… »

Lily s’était laissée glisser dans les bras de Jacob qui l’avait entraîné dans l’eau. Le bleu de la piscine étincelait des rayons du soleil qui s’y reflétait, aucun nuage ne se prévoyant à l’horizon. Port Grimaud était connu pour être la Venise provençale, logée au fond du Gold de Saint-Tropez, loin des regards trop curieux et de l’effervescence de la popularité moldue. Aucune voiture n’était autorisée. Ce moyen de transport faisait tellement de bruit que Lily en avait été ravie, heureuse de pouvoir profiter d’un réel calme avant de retourner dans la tempête à chaque fois qu’elle se rendait ici. Unique de copropriétés privées, chacun semblait être sur son coin de terre comme sur une île mais on y décelait tout de même une sympathie entre les habitants qui se croisaient dans les petites ruelles de la ville. La jeune femme avait tâchée d’être discrète. S’était construit de petites connaissances éphémères, de quoi ne pas avoir à inviter quiconque chez elle par courtoisie. Elle aimait cet endroit. Elle aimait cette plénitude et ce bien-être qui émanait d’elle chaque fois qu’elle s’y rendait. Elle imaginait cette maison comme un repère où plus aucun secret n’existerait. Aucun mystère et aucun mensonge.

Voilà pourquoi elle avait appréhendé ces quelques semaines indéfinies avec Jacob, son seul espoir de pouvoir continuer à imaginer cet endroit comme tel résidant dans le fait qu’il ouvre encore un peu plus son cœur. Particulièrement son esprit.

La piscine ne leur faisait pas ressentir la chaleur extrême qui se propageait mais leurs peaux commençaient déjà à se dorer sous les rayons du soleil. Enfin, beaucoup plus pour Jacob que pour Lily qui était plutôt du genre à avoir du mal pour prendre des couleurs. Se laissant aller à la douceur de son compagnon, elle ne savait comment s’y prendre, déstabilisée par le fait que Jacob ait lui-même prit l’initiative d’évoquer un semblant de passé. Certes, ce n’était pas le mieux qu’elle aurait apprécié. Mais son regard prédisait qu’il était enfin prêt à répondre à ces questions et qu’ils allaient avancer. Combler les cinq années de silence et se parler. Cette sensation lui réchauffait réellement le cœur, elle avait envie d’y croire. Elle avait envie de continuer à lui faire confiance.

En réalité, il était même possible qu’elle en est plus que lui, à dire. Après tout, lui non plus n’avait pas eu de ses nouvelles, elle ne savait pas s’il avait continué ou au moins, pu, garder un œil sur elle pendant son absence, il ne savait pas comment en était-elle arrivée à choisir du droit pour sa carrière alors que tout le monde la prédisait comme une auror, tel son père. Pourquoi avait-elle décidé de l’attendre. Pourquoi ne l’avait-elle jamais retiré de son cœur.

Flashback.

« Jacob Dragonneau a disparu, tu l’as vu comme moi dans les journaux et toutes les preuves le considèrent comme mort, Diggle ! »
« Le crois-tu réellement plus de ce monde ? Il est beaucoup plus intelligent que les autres membres de sa famille, ce garçon a disparu, certes, mais il est loin d’être mort et il va mener sa propre croisade. »
« Comment peux-tu croire que quelqu’un le laissera vivant après tout ce qu’il a fait ? »
« Stanley, contentons-nous de dire comme les autres qu’il a simplement disparu et probablement mort. Nous devons garder l’ordre. Mais crois-moi, il est quelque part. »

Lily posa son verre lentement. Ignora le brouhaha mené par l’ambiance des Trois Balais qui n’avait cependant pas recouvert les chuchotements et observa les deux hommes s’en aller pour reprendre de leur service. Ce jour là, elle sut que son cœur fut scellé à jamais.

Flashback.

S’accrochant aux épaules de Jacob, Lily observa son visage. Toujours d’un brun aussi ténébreux, il en affichait les mêmes qualités dans ses iris. Depuis peu, il laissait une légère barbe durcir ses joues, ce qui lui donnait un charme fou dont la jeune femme ne pouvait plus résister. Ses traits étaient marqués de fatigue de ses nuits passées dehors mais il ne perdait pas son sourire. Il semblait heureux. Cela apaisait la rouquine qui elle-même reconnaissait avoir besoin de repos.

Quelques minutes de réflexion qui lui permirent adroitement de relever les paroles de Jacob.

« J’étais là, à Poudlard. Avec toi. Ensuite, je ne l’étais plus. »

Contrairement à leurs habitudes respectives, leurs prunelles se croisèrent plutôt que de se fuir. Elle sut à cet instant que cette maison était bien celle des mystères et des secrets levés. Une tendresse sur le bras du jeune homme lui permit de rassembler son courage et de lui dévoiler le fond de ses pensées et ressentis.

« Jacob, je t’assure que peu de monde peut comprendre à quel point je suis amoureuse de toi. A quel point je peux t’aimer. Peu de monde peut encore moins comprendre tout ce qui me lie à toi quand je pense à nos discussions ridicules de sens dans les couloirs du château. Et je n’ai pas envie de rejoindre ce paquet de gens quand il s’agit de te comprendre toi. Je ne te demande pas de partager tout ce que tu fais aujourd’hui, ni de me dire tout ce que tu as pu faire en cinq ans mais même si l’homme dont je suis tombée amoureuse est toujours là aujourd’hui, quelque chose a changé dans son regard. J’ai besoin de savoir quoi. J’ai besoin que tu me dises pourquoi. »

Il était exagéré de s’attaquer à ce sujet alors qu’ils venaient seulement d’arriver mais toute la peine de Lily se lisait dans ses yeux qui s’emplissaient d’humidité quand il s’agissait de ce sujet. Son cœur commençait à être lourd de secrets et elle ne pouvait décemment plus porter ce fardeau plus longtemps. Il fallait qu’ils en parlent maintenant.

Si seulement ces cinq ans où ils s’étaient construits seuls chacun de leur côté était la seule raison de sa souffrance d’aujourd’hui, elle ne s’afficherait pas aussi vulnérable devant lui. Elle tentait de lui faire ouvrir son cœur en lui ouvrant le sien chaque jour et il paraissait pourtant si absent parfois que ça ne semblait pas lui faire quelconque effet. Avait-il seulement compris ce que Lily ressentait ?

Ses mains vinrent encadrer le visage de son compagnon. La façon dont il l’avait embrassé précédemment lui avait témoigné tout son amour. Il allait comprendre. Elle espérait qu’il comprenne. Elle était sûre qu’il allait saisir ce dont elle avait par dessus tout envie.

« J’ai besoin que tu sois avec moi, certaines nuits. A côté de moi. »

Spoiler:

« Je ne veux plus parcourir le monde. Je ne veux plus quitter Londres sans toi. Mais durant ces cinq ans j'ai apprivoisé le danger et je ne peux plus m'en passer... Plus mes clients sont louches et plus les transactions me plaisent. Plus les objets que je cherchent sont difficiles à trouver et plus je prend plaisir à le trouver, quitte à affronter deux ou trois goules affamées. Mais... si dans les moments les plus palpitants de ces cinq dernières années j'ai eu affaire à ce genre de chose (parce que le danger parvenait à effacer un instant ton visage de mes pensées) ; si donc j'ai eu affaire au danger sous toutes ces formes, il ne pouvait pas te remplacer. Je suis rentré... pour toi. »

Le danger ? Etait-ce donc ainsi le seul élément qui a valu un silence de cinq ans ?
Le regard de Lily s’assombrit. Malgré la sincérité dans ses paroles, malgré le fait qu’il soit rentré pour elle, l’idée même qu’il évoque le fait qu’elle n’aurait pas pu l’aimer la répugnait. Où était-il pour savoir ce que bon lui semblait ?

Un semblant de colère faisait surface sans qu’elle ne sache pourquoi. Lily desserra son étreinte pour alléger Jacob de son poids et ferma son esprit quelques secondes. Elle se prit à imaginer ce qu’aurait été la fin de son adolescence sans que Jacob en fasse partie, aussi loin était-il physiquement. Son choix de devenir avocate aurait-il été pris de la même manière ? La jeune fille avait imaginé ses études d’une manière enfantine, la finalité étant de pouvoir éradiquer la présence d’Artémis et d’un soit disant royaume. De pouvoir juger limpidement et justement les innocents tout autant que les coupables.

Toujours su ce qui était juste ?

Peut-être mais pas tellement, à la finale.

« En juin de ta dernière année à Poudlard, je t'imaginais dans les salles d'examens et je croisais les doigts pour que tu réussisses. Et en juillet, j'étais tout fébrile en te figurant déchirer l'enveloppe des résultats... et j'espérais tellement que tu ait Optimal dans toutes les matières mais il n'y avait aucune façon pour que je puisse m'informer. Je t'assures que ça ma bien occupé un an à essayer de me plonger dans des conjectures sur tes résultats alors que je savais même pas quelles matières tu avais choisis de poursuivre après la cinquième année. »

Cette fois-ci, elle sourit. D’un sourire tendre et aimant. De ceux qui, quand ils viennent de la personne que vous aimez depuis le premier jour, vous noue l’estomac et vous fait sentir plus légère. Lily n’avait pas besoin du sourire de Jacob pour cela. Elle l’aimait un peu plus chaque jour, dans leur colère, leur déni, leur silence, leur fou-rire, leur bêtise. Qui pouvait encore dire aujourd’hui que le premier homme fut le dernier ?

Le soleil était agréablement léger sur leur peau, celle de Jacob dorant déjà de quelques rayons. Leurs deux corps s’étaient écartés pour se laisser barboter sagement, Lily rejoignant le bord de la piscine pour récupérer son verre et en boire une minuscule gorgée tellement le sucre lui sollicitait les papilles. Un signe à l’Elfe de maison lui indiqua qu’ils n’avaient besoin de rien et ce-dernier disparu à nouveau dans les commissures de la maison. Quelle maison. Un tendre pensée s’accorda à Lorcan qui devrait être au lointain, à réfléchir à ses prochaines bourrasques.

Puis elle se retourna pour s’adosser aux bords et fit face au dos saillant de Jacob. Des griffures telles des cicatrices ornaient sa peau mais il ne semblait pas en souffrir. Ils avaient partagé quelques nuits, dans la maison familiale, heureux de pouvoir profiter d’intimité qu’ils n’avaient pas réellement mis à profit depuis qu’ils s’étaient retrouvés. Lily s’était réservée à cet homme, amoureusement, physiquement, psychologiquement. Et elle semblait dans un rêve de pouvoir être à ses côtés aujourd’hui, envers et contre tout ce que l’avenir leur prédisait. Une brève image de leurs regards se croisant et de la baguette de Jacob pointée sur elle lui vint à l’esprit. Une image qu’elle chassa aussi vite, le temps l’ayant fait pardonné et fait ses preuves.

Un jour, alors qu’elle partageait un moment avec son père aux côtés de ses frères, il eut un discours qui garda les trois jeunes gens en éveil.

« Le temps va vous faire comprendre que rien n’est éternel et que beaucoup de personnes que vous aimez aujourd’hui s’en iront un jour. Le temps va vous faire changer, il va tout faire pour que vous vous perdiez, pour que vous ne sachiez plus exactement qui vous êtes. Il va vous faire grandir, il va peut être faire de vous quelqu’un de différent. Le temps va bouleverser votre façon de penser, d’aimer, de rire. Le temps va vous laisser des cicatrices qui ne partiront jamais, il va vous faire pleurer, il va vous faire verser des larmes de colères, il laissera un paquet d’amertume, de souvenirs et de déceptions. Mais le temps vous fera aussi mûrir et il vous apprendra à profiter du moment présent pour que jamais vous ne regrettiez de ne pas l’avoir fait à temps. »

Elle en avait eu la preuve.

Elle l’aimait. Dieu qu’elle l’aimait. Mais ce l’étaient-ils seulement déjà dit ?

« J’ai repéré un appartement pas trop loin du Chemin de traverse, je suis sûr qu’il te plairait !
- Jacob, je t’aime. »

Ces mots sonnèrent comme une libération. Elle ne se rappelait pas lui avoir dit avec autant d’intensité, autant de sincérité et de conviction. Elle ne se rappelait pas lui avoir dit tout simplement, même si elle le pensait chaque jour, probablement même à chaque minute. Ses lèvres restèrent en suspens, surprise de l’intonation qu’elle y avait mise. Elle l’aimait. Oui, elle l’aimait. Bien plus que sa propre vie. Et à cet instant précis, elle se demandait comme il était possible de ressentir cela à son âge, comment il était possible de savoir que c’était lui et non un autre. Et même si elle n’aimait pas cet appartement, cela lui importait peu.

Son regard avait divagué, plongée dans ses pensées.
Et croisa, à nouveau, les iris de son homme.

« Je t’aime. C’est tout. »

Ses pommettes se tintèrent de rouge. Elle n’osait plus quitter le bord de cette piscine qui lui parut soudainement confortable. Que c’était étrange, cette sensation. Que c’était agréable.

Que cela la soulageait.