Un jour viendra, nous aurons des rêves à nouveau. Et le cœur vierge de tout passé nous ouvrirons les yeux sur un nouveau monde...

Mike adorait ce tableau.
Chaque soir, il venait le contempler pour son plaisir personnel.
Ce tableau, il le trouvait juste après avoir franchi la porte des appartements de sa majesté. Il y entrait toujours en douceur sans faire le moindre bruit et sans même frapper. Il ne bougeait alors plus du tout. Presque collé le long de la porte, il observait le spectacle que contenait cette pièce dénuée de lumière. Une pièce tout en long avec de chaque côtés d’immenses fenêtres et a sa fin un grand balcon. Comme toujours à cette heure, toutes les fenêtres étaient grandes ouvertes. S’engouffrait alors de grands courants d’air qui faisait se mouvoir les longs rideaux blancs aux armoiries Dragonneau. Ils semblaient danser sans retenue profitant de cet instant de liberté qui s’offrait à eux. Il y avait également cette température glaciale et ces hurlements. Le vent hurlait dans la pièce en la traversant de long en large, comme pour protéger un trésor. Mike en était toujours premièrement pétrifié, mais il lui venait toujours un grand sourire. En arrière-plan, il voyait le personnage principal de cette peinture. Pourtant dos à lui, dans un fauteuil rouge et or posé sur le balcon, il l’apercevait à peine. La nuit y était pour beaucoup, mais comme pour lui faire plaisir les étoiles et la lune lui laissait toujours le loisir d’apercevoir une main ou quelques doigts dépasser des accoudoirs. Parfois même, il apercevait le reflet de cheveux volant au vent. Ce soir encore tous les acteurs de ce tableau étaient présents. Ils le régalaient visuellement pendant une poignée de minutes et finalement, il se décidait à avancer. Il s’enfonçait dans cette toile pour en devenir l’un des personnages. Il fixait tout d'abord ce fauteuil puis le dépassant, il allait poser ses mains sur la balustrade du balcon. Il inspirait alors une grande bouffée d’air frais et il se retournait finalement face à elle.
Sa majesté dont la tête reposait avec grâce de coté sur le bout de ses doigts avait les yeux fermés. C’est comme cela qu’elle réfléchissait. Mike ne la dérangeait pas, il se contentait d’attendre. Attendre qu’enfin, elle lui parle. Cela mit une dizaine de minutes avant qu’il n’entende dans un murmure son prénom. Il souriait alors prêt à lui parler.
« Votre majesté ? »
« Quelle heure est-il ? »
Surpris par cette question, le grand conseillé ne répondit pas tout de suite. Il regarda Artémis quelques secondes puis il se décida à regarder son poignet.
« Il est exactement 3 heures et 24 minutes du matin. »
« C’est un peu tôt… »
« Ou un peu tard… Même sa majesté a besoin d’heures de sommeil. Artémis, il faudrait que tu dormes. »
« Je n’ai pas sommeil… Je manque juste de distraction. J’aimerais que tu ailles chercher Matthias et que personne ne s'alarme. Monsieur Hobbes n'aura pas besoin de son matériel médical. »
« Je n’en suis pas certain, il se pourrait que l’un d’entre nous attraper la mort avec le froid qu’il fait dans cette pièce… »
L’un d’entre eux oui. Dans cette pièce ne se trouvaient pas simplement la reine et Mike. À première vu, l’on ne voyait qu’eux, mais en regardant plus attentivement l’on pouvait apercevoir a chaque extrémité des portes et fenêtre un garde debout sur ses jambes à moitié dissimulés par le mouvement perpétuel des rideaux. Ils ne la quittaient jamais ou uniquement sur ses ordres. Chacun était maître dans sa catégorie et ils lui étaient dévoués. Si dévoués qu’elle leur permettait absolument tout dans le palais et ses jardins. Ils n’avaient qu’un unique ordre, celui de tout faire pour protéger la reine et peu importait les moyens.
« Si tu insinues vouloir fermer une fenêtre, sache que tu ne le peux pas. Si besoin Monsieur Hobbes se fera un plaisir de t’ausculter."
« Et bien qu’il en soit ainsi votre majesté… Un médecin… Ce sera tout ?»
Artémis hochait de la tête.
« Mike… »
« Oui ? »
« Je te remercie. »

Au départ de Mike, Artémis ouvrait enfin les yeux. Elle se redressait sur son fauteuil en souriant. Elle voyait kahos, du moins son esprit faisait en sorte qu’elle puisse voir son dragon sous la forme d’un homme. Le dragon lui-même se donnait ce physique en prenant bien entendu en compte les goûts d’Artémis. Elle le voyait brun, les cheveux soigneusement coiffés de côté. Ses yeux étaient d’un marron profond. Son visage pâle et creux avec ici et là quelques rides. Le dragon était vieux aussi, il se donnait l’allure d’un homme d’environs 50 ans. La reine le trouvait tout à son goût peut être un peu trop. Cette présence n’était que le fruit de leur esprit. Il était physiquement là sans jamais l’être. Elle était la seule à pouvoir, le voir et l’entendre. Un acteur extérieur l’aurait pris pour une folle. Mais le dragon était bien là. Elle avait sur elle la marque du dragon qui s’amusait à se déplacer. Gravé sur sa chair il serait toujours là. Personne ne pourrait le lui enlever.
« Pourquoi lui ? »
« Et pourquoi pas lui ? »
« Dénué d’intérêt, odeur fade et incapable de se distraire lui-même alors nous distraire… »
« Nous !? Mais je ne veux pas nous distraire, je veux me distraire…. Et tu me surprends… Depuis quand cherches-tu à comprendre le genre humain ? »
« Depuis que je suis enfermé dans une tête couronnée qui est elle-même enfermée dans un palais. »
« Crains-tu de devenir comme eux ? »
Deux coups retentissaient sur la grande porte. Déjà, Mike revenait. D’un simple geste de main de la reine, l’illusion de Kahos disparaissait. Il ne laissait derrière lui qu’un rire que seul Artémis pouvait entendre dans sa tête.
Les portes s’ouvrirent.
« Votre majesté, voilà pour vous monsieur Hobbes.»
« Enfin… Qu’il entre. »

Elle garda le sourire plusieurs secondes après ça. Elle écoutait attentivement les pas du jeune homme. Elle ressentait dans tout son corps la vibration de ses mouvements sur le sol. Elle imaginait les grands rideaux glisser sur son visage et le froid le transcender de toute part.
Interrompant subitement son imagination, elle ordonnait en un mot à ses gardes de quitter la pièce. Ils disparaissent tous sans un bruit laissant leur reine, mais pas totalement. S’ils ne se trouvaient plus dans la pièce, ils attendaient à l’extérieur, prêt à agir au moindre bruit suspect.
Tournant légèrement la tête, Artémis ne voyait que l’ombre de Matthias. Elle montrait alors de sa main le fauteuil à sa gauche. Pareil au siens, il accueillait normalement Mike ou son amant. Ce soir, se serait son médecin ou plutôt vieil ami.
« Si monsieur Hobbes veut bien se donner la peine. »
« Votre majesté, je vous fais monter un valet. »
« Qu’elle délicate attention, merci pour votre temps monsieur mon conseiller. »
Le sourire aux lèvres et refermant ses yeux, Artémis laissait le jeune homme s'asseoir. Elle ne dit rien de plus. Au final, elle ne savait pas vraiment pourquoi elle l'avait fait venir.